En rafale

Panorama des grands risques géopolitiques 2017

En 2017, l’économie et les marchés seront rythmés par la résurgence du risque géopolitique, dont la nature complexe et multiforme ne ménagera aucune région du monde. Jamais depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale et le début de la Guerre froide les risques géopolitiques n’avaient été si nombreux, au point que leur matérialisation pourrait remettre en cause plusieurs fondamentaux économiques et politiques qui assuraient la stabilité des 25 dernières années. Dans un scénario plus optimiste, mais moins probable, 2017 pourrait se dérouler comme 2016 où les risques géopolitiques produisirent davantage de bruit que d’impacts réels. Les marchés n’ont-ils pas effacé les pertes du vote du 23 juin sur le Brexit en 3 jours, et celles de l’élection de Trump en 3 heures ? La raison pour laquelle nous sommes moins positifs cependant, c’est que le Brexit et la présidence Trump se matérialiseront en 2017 et dans les années subséquentes et que ces événements, associés à la précarité politique et économique en Chine et à la montée globale des mouvements populistes ou du terrorisme ne se limiteront probablement pas à faire que du bruit. Ainsi, en termes de risque géopolitique, la question n’est pas de savoir s’il y aura une correction des marchés, ou une nouvelle crise économique, mais plutôt de savoir quand elles auront lieu. Si les raisons d’être pessimistes en 2017 ne manquent pas, il est important de rappeler que plusieurs de ces risques pourraient ne pas se matérialiser et ainsi tempérer légèrement la volatilité, notamment en Europe.

Trumponomics et Trumpolitics : une chimie explosive ?

Les réformes économiques et politiques souhaitées par Donald Trump proposent de redéfinir les règles du jeu, qu’il soit fiscal, budgétaire, commercial ou géopolitique. La réduction substantielle des impôts des ménages et des entreprises associée à un système d’ajustement fiscal frontalier taxant les importations et exonérant les exportations modifierait profondément le fonctionnement du commerce et le système d’imposition américains tout en poussant l’inflation à la hausse. La révision de la relation sino-américaine et le désengagement diplomatique et militaire de Washington au profit des seuls intérêts américains pourrait alimenter une guerre commerciale, accélérer la transition de puissance entre la Chine et l’Amérique en Asie centrale et de l’Est ainsi qu’en mer de Chine et encourager la Russie à intensifier la pression sur le front européen.

 

Au motif d’imposer la doctrine « America First » à tout prix, Donald Trump pourrait entraîner les États-Unis et le monde dans une « dépression géopolitique » (expression de Ian Bremmer – Eurasia Group) qui ne manquerait pas d’alimenter l’émergence de nouveaux risques, encore imprévus. Depuis l’élection du 8 novembre, les marchés semblent toutefois totalement ignorer ces enjeux et préfèrent parier sur l’effet positif attendu à court terme des Trumponomics. Nous considérons cependant que le grand nombre d’inconnues entourant la présidence Trump et sa rhétorique très protectionniste (tout comme son cabinet) limitent ce positivisme.

 

Soft or hard Brexit, that is the question

Si Theresa May semble déterminée à réaliser le Brexit, la question est de savoir s’il sera soft ou hard. Pour cela, certains facteurs seront déterminants afin de mieux entrevoir la relation finale avec le continent. Si la croissance diminue ou si le pays entre en récession, si l’inflation montre trop rapidement, ou si la livre continue de se dévaluer, alors les probabilités d’un hard Brexit deviendront plus faibles. De la même façon, si les investisseurs commencent à se détourner du Royaume-Uni, si l’immigration de travailleurs hautement qualifiés diminue fortement, ou si l’opinion publique exprime massivement un désaveu sévère envers le gouvernement, alors un soft Brexit sera plus envisageable. Finalement, si les élections en France, aux Pays-Bas, en Allemagne ou en Italie devaient porter au pouvoir des gouvernements nationalistes/populistes, la question du Brexit serait probablement ajournée au profit de la gestion de crises bien plus pressantes mettant directement la survie de l’Union européenne en jeu.

 

Risque de dislocation de l’Europe

Les élections prévues aux Pays-Bas (mars), en France (mai et juin), en Allemagne (automne) et potentiellement en Italie et en Espagne (ainsi que le probable référendum catalan en septembre) permettront de vérifier si la montée des mouvements populistes et nationalistes est irrésistible. En parallèle, Londres activera officiellement l’article 50 du traité de Lisbonne pour engager les négociations officielles de retrait de l’UE. Ces négociations pourraient ne pas réellement débuter avant la fin des cycles électoraux français et allemands puisque les prochains leaders chercheront certainement à imposer leur rythme et leurs conditions au Royaume-Uni. La zone euro, quant à elle, demeurera fragilisée par le risque de matérialisation d’une crise bancaire italienne, dont on estime que Bruxelles finira par éviter la catastrophe, et/ou par la résurgence de l’enjeu du Grexit. Finalement, l’instabilité au Proche-Orient et en Turquie et la lutte renforcée contre l’État islamique devraient alimenter respectivement la crise migratoire et le risque d’attentats terroristes.

L’empire de Xi contre attaque

Xi Jinping devrait consolider son emprise du pouvoir lors du 19e Congrès du parti communiste en novembre prochain et éventuellement mettre un terme à l’alternance décennale qui prévalait depuis Jiang Zeming. Les doléances sociales se multipliant, Xi Jinping pourrait être tenté de jouer la carte de la souveraineté nationale sur la mer de Chine et renforcer les positions militaires face au Japon, au Vietnam et aux États-Unis pour détourner l’opinion publique – boostée au nationalisme – des enjeux intérieurs.

D’autre part, le ralentissement économique chinois, même modéré, continuera de se matérialiser au gré du protectionnisme venu d’Amérique ou du fardeau de l’endettement. Le yuan devrait ainsi continuer de s’affaiblir face au dollar américain alors que le Président Trump accuse déjà Pékin de manipuler sa monnaie et de détruire l’emploi américain.

 

Si une chose est sûre, c’est que l’année qui commence ouvre une nouvelle ère, celle de l’incertitude. Le risque étant partout, espérons simplement qu’il ne se matérialisera pas massivement sans quoi l’ordre mondial, qu’on le croit juste ou pas, pourrait s’en trouver largement bouleversé. Et tout chacun sait que les révolutions ne sont synonymes de stabilité pour personne.

Bonne année 2017

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