Partager la publication "Une grave crise financière à l’horizon ? Une étude des marchés financiers américains"
Une croissance trop belle
À l’Université les étudiants apprennent qu’un rendement linéaire (rendement élevé sur plusieurs années) est un fort indicateur d’une manipulation des états financiers d’une compagnie. Par exemple, dans le cas de Nortel, Enron ou Worldcom, on aurait pu détecter une fraude par la linéarité de la croissance de leurs actions en bourse (voir les graphiques).
Aujourd’hui, les trois plus importants indices du marché financier américain indiquent une linéarité dans la croissance de leur rendement depuis 2009. Sur la même période, la banque centrale a injecté plusieurs milliers de milliards de dollars dans le rachat d’actifs financiers. Ainsi, tout porte à croire que la banque centrale aurait participé, malgré elle, à manipuler les marchés financiers.
Ce qui est inquiétant, c’est qu’à chaque fois que ces marchés ont fait de tels rendements, ils se sont effondrés par la suite. En fait, tout rendement exponentiel rapide est suivi d’une décroissance équivalente.
Par conséquent, il est légitime de se demander quand aura lieu la prochaine crise.
Enron, Nortel and Worldcom – Ces fraudes récentes.
Nortel
Nortel fut déclarée coupable de fraude comptable sur ses résultats de 2000 à 2003. Selon le U.S. Securities and Exchange Commission (SEC), Il semblerait que la compagnie aurait volontairement exagéré ses revenus afin de faire croire aux investisseurs qu’elle performait mieux que ses compétiteurs alors que le marché était précaire. La compagnie a changé sa méthode de comptabilisation des revenus, ne se conformant plus avec les normes américaines. Selon le SEC, le changement avait été fait pour frauduleusement accélérer la reconnaissance des revenus. Ceci augmentait donc les revenus par actions, laissant croire que Nortel atteingnait les cibles de rendement fixées par Wall Street alors qu’elle faisait moins bien.
Enron
Tout comme Nortel, Enron était l’une des plus grandes entreprises par sa capitalisation boursière. Le rendement de son action ne cessait de croitre jusqu’à la mise à jour de la fraude comptable utilisée pour améliorer ses revenus. Dans ce cas, plusieurs sociétés écrans encaissaient les pertes de la compagnie laissant la société mère avec les bénéfices nets. Seules les notes en bas de page des résultats financiers faisaient références à l’existence de ces sociétés écrans.
Worldcom
Deuxième plus grande compagnie de téléphonie longue-distance, Worldcom est prise la main dans le sac en 2002 ; obligée de se placer sous la protection contre la faillite après avoir frauduleusement comptabilisé 3,8 milliards $ de dépenses dans ses états financiers et déclaré 11 milliards de revenus fictifs. Entre temps, l’entreprise accumulait erreurs, faux documents financiers et donc faux profits. En 2002, alors que la compagnie affirmait réaliser un bénéfice de 10 milliards, elle avait cumulé une perte nette de 73 milliards entre 2000 et 2002.
Ces trois cas ont précipité le krach boursier de 2001-02. C’est ce qu’on a appelé l’éclatement de la bulle internet et des télécoms.
Aujourd’hui – Une manipulation d’une plus grande amplitude
Si nous observons le rendement des marchés financiers depuis 2009, ceux-ci, croient de façon linéaire, tout comme les cours de Worldcom, Enron, Nortel ou encore GM quelques années plus tôt. À voir l’état des graphiques des trois plus grands indices boursiers américains, il n’est pas difficile de comprendre qu’il y a une trop forte ressemblance avec les études de cas qui viennent d’être exposées.
Si les marchés montent ainsi, c’est en partie parce que la Réserve Fédérale américaine rachète pour $35 milliards d’actifs par mois. Ce montant était d’environ 60 milliards par mois dès novembre 2010, puis de 85 milliards par mois à partir de septembre 2012. Autrement dit, le retour à la croissance des indices américains coïncident avec les programmes de rachats d’actifs de la FED. Cette politique « d’assouplissement quantitatif » comme on la nomme (quantitative easing) est un outil monétaire non-conventionnel servant à doper la croissance et est utilisée dans des cas de crise grave lorsque les politiques monétaires conventionnelles ne suffisent plus.
La FED a annoncé qu’elle réduira son aide de $10 milliards chaque mois pour l’arrêter probablement en octobre 2014. Selon Robert Rubin, Secrétaire au Trésor des États-Unis sous Clinton, la Réserve Fédérale a environ 4000 milliards$ de produits dans ses états financiers alors qu’elle n’en avait que 800 à 900 milliards avant la crise. En rachetant des produits sur les marchés directement aux banques, la FED a encouragé la prise de risque d’investissement en maintenant des taux d’intérêts à un niveau historiquement bas. Ceci à un eu un effet positif sur l’emprunt fait par les compagnies puisqu’elles ont augmenté leurs dépenses d’investissement à leur tour et contribué à l’économie globale. Il y a donc eu un effet multiplicateur dans l’argent injecté contribuant à l’ensemble de l’économie.
Ce qu’il faut comprendre
L’injection de plusieurs milliers de milliards de dollars dans l’économie dans un aussi court laps de temps (5 ans) a créé de mauvaises habitudes dans l’économie et sur les marchés financiers. La hausse linéaire importante des marchés boursiers sur la même période est due à l’injection forcée de capitaux. Les marchés ne pourront continuer d’augmenter aussi linéairement dès que la Réserve fédérale cessera ses injections de capitaux à moins que l’endettement des consommateurs puisse se faire à un rythme croissant indéfiniment. Or, le gouvernement américain a clairement émit la volonté de réduire sa participation pour limiter son endettement et la Réserve Fédérale prévenu qu’elle cessera sa politique d’assouplissement quantitatif (rachats massifs d’actifs) à l’automne prochain.
Plus les actions croissent en valeur et plus le système aura besoin de liquidité pour se les procurer et par conséquent le système financier, à défaut de pouvoir compter sur le Trésor et la FED aura besoin d’une accélération de l’endettement ce qui paraît difficile, sinon insoutenable à terme. Ainsi, si cette diminution prochaine des liquidités dans le système n’est pas compensée par l’augmentation de l’endettement des particuliers et des entreprises, le système devra retourner à son point d’équilibre où l’épargne doit être égale aux dépenses comme dans tout bon budget.
Le cas des entreprises présentées plus haut ne doivent pas faire oublier que l’histoire financière est cyclique et qu’il n’existe pas de croissance perpétuelle et linéaire. Sans le souhaiter, il faut s’attendre à une nouvelle crise et il serait alors judicieux de changer complètement les règles du jeu afin de sortir de ce schéma dangereux pour l’Humanité.
Par Maxime Carignan-Martel
Manager Opération client chez State Street Corporation