Partager la publication "Entrevue avec le Consul de la République populaire de Chine"
Monsieur le Consul, qu’est-ce qui, selon vous, caractérise l’émergence de la Chine sur les plans économique, diplomatique, culturel et militaire ?
A : La Chine est un pays nouvellement installé depuis 1949, mais son développement est remarqué par le monde suite à sa réforme d’ouverture des années 1970. Sur le plan économique, depuis 30 ans la Chine a une croissance moyenne de 9% par année. Les années où nous avons pu remarquer une diminution de ce pourcentage s’explique par une volonté d’améliorer la qualité de sa croissance économique. La statistique la plus récente concernant le pourcentage de croissance est de 7%. Même si sa vitesse baisse un peu, son volume de croissance reste très bon. La contribution de la Chine représente environ 30% de la part mondiale. Il ne faut pas oublier qu’au début de la réforme (en 1978), ce pourcentage n’était que de 3%. Sur le plan culturel, on insiste toujours que le monde est un monde de divers pays et culturels, chaque culture représente une partie de la culture du monde et la Chine aussi. On a mis beaucoup d’importance sur la promotion des échanges entre la culture chinoise et les autres cultures, y compris la culture occidentale et orientale. De plus en plus de peuples du monde connaissent et aiment la culture chinoise. Et de plus en plus de Chinois connaissent mieux le monde aussi. Les échanges se multiplient énormément entre les cultures. Sur le plan diplomatique, la Chine est le pays avec le plus grand développement dans le monde et par conséquent, on insiste sur le fait qu’elle doit rester sur cette voie de développement pacifique. Cela veut dire que c’est un esprit de bénéfice mutuel, parce que nous pensons que la coopération entre les différents pays, ainsi que la paix sont à la base du développement du monde.
Quelle place croyez-vous que la Chine occupe actuellement dans le monde ? Est-ce que cette dernière augmente ? Est-ce qu’elle s’affirme davantage ?
La Chine joue un rôle de plus en plus important dans le monde, parce que c’est un pays en développement, expliquant pourquoi elle a réalisé plusieurs grands succès dans les trente dernières années. Même avant la réforme d’ouverture, la Chine jouait un rôle important dans le monde. Toutefois, nous ne pensons pas que la Chine joue un rôle comme celui des Etats-Unis ou des autres pays. Elle joue son rôle à sa façon, que ce soit dans la maintenance de la paix, le nucléaire, le développement ou la coopération en Sud-Nord.
Quel rôle pensez-vous que la Chine devrait jouer dans l’avenir ? Pensez-vous qu’elle devrait maintenir le rôle qu’elle joue maintenant ?
La Chine jouait un rôle important auparavant, et aujourd’hui encore. Depuis toujours, la Chine conserve un rôle d’acteur responsable. Effectivement, elle a fait attention au développement du monde et au maintien de la paix. Dans l’avenir, elle souhaite conserver ce rôle responsable.
Pensez-vous que la Chine jouera un rôle économique qui ira en augmentant étant donné sa croissance économique importante ?
Nous sommes confiants que l’économie chinoise conservera sa tendance de développement. Nous réformons présentement notre économie, qui est soumise à de nouvelles normes. La vitesse de la croissance économique a peut-être baissé comparativement au passé, mais elle préserve une vitesse moyennement grande.
À l’heure actuelle quels sont les principaux défis auxquels la Chine fait face ?
Pour la Chine, tout comme les autres pays, nous avons des défis internes et externes. A l’interne, puisque nous sommes un pays en développement, nous avons beaucoup de problèmes à résoudre. Par exemple, la réforme des trente dernières années nous donne l’expérience nécessaire afin d’améliorer cette tendance croissante. Tandis qu’à l’externe, le monde rencontre des changements et des progrès divers. Malgré cette vague principale de développement et de maintien de paix, il y a tout de même des conflits à travers le monde. Nous faisons face à de nombreux problèmes que nous n’avions jamais rencontrés auparavant, comme le terrorisme par exemple.
En ce qui concerne les défis externes, est-ce que ces derniers pourraient amener l’usage de la force armée de la Chine ?
Concernant l’utilisation de la force, la politique de défense de notre pays atteste que la force doit être utilisée pour se défendre uniquement.
Par exemple, dans le cadre des îles (Senkaku, Paracels, Spratley) qui sont contestées.
Je ne pense pas qu’il y a des conflits à ce niveau. Nous sommes en train de discuter afin de résoudre cette problématique. Bien que le développement et la construction de notre système de défense a été remarqué par le monde, nous n’avons jamais utilisé la force pour influencer ou causer les conflits avec les autres pays. Bien sur, dans l’avenir, ce que je peux dire c’est que la Chine n’aime pas utiliser la force.
Alors que la Chine souhaite participer à la création d’une paix mondiale harmonieuse, comment Pékin justifie, selon-vous, l’augmentation des tensions autours des îles Diaoyu, Paracels et Spartley ?
Tout d’abord, ces îles appartiennent à la Chine. Il y a beaucoup de preuves historiques et théoriques, en plus du principe d’acquisition de territoire issu du droit international, qui confirment l’appartenance de ces îles à la Chine. Après la Seconde guerre mondiale, il y a eu une série de déclarations, comme la déclaration de Rome et l’accord de Potsdam confirmant nos positions. Ensuite, on a constaté que les îles occupées par le Japon devaient être restituées à la Chine.
Entre les années 1970 et 1980, des ressources naturelles ont été découvertes dans la mer de Chine. À partir de ce moment-là, de plus en plus de pays ont revendiqué la souveraineté de ces îles. Vous pouvez voir que plusieurs îlots sont occupés par la Chine, comme ceux que le Vietnam et les Philippines disent être les leurs. Toutefois, la Chine n’a jamais repris ces îles en utilisant la force. Ce n’est pas comme l’Angleterre. Le pays concernés, comme le Vietnam et les Philippines, utilisent la différence de puissance entre leur pays et la Chine pour fabriquer une représentation erronée de celle-ci. Selon eux, la Chine prend possession des territoires de ces petits pays. La réalité est inverse. La Chine est la victime principale dans ce conflit. Il y a effectivement des disputes concernant la souveraineté de ces îles. Mais la Chine conserve toujours le principe de discussion. Par conséquent, que ce soit au sein de relations bilatérales et multilatérales, la Chine reste toujours en contact avec les pays concernés et la discussion reste toujours en très bon état. La Chine et les pays sud-est ont fait des déclarations ensemble afin de se développer conjointement.
Cela ne remet-il pas en question, selon vous, le principe de l’émergence pacifique ?
Il y a des militaires qui restent là-bas (sur ces îles) pour améliorer les conditions de vie. Chaque fois c’est au « Mainland » (territoire métropolitain) de transporter de l’eau potable. Ainsi, les militaires sont présents pour assurer les conditions de vie sur ces îles pour ne pas que d’autres pays leur nuisent. Il est important de noter que la Chine n’est pas le seul pays qui a envoyé des militaires. Ces derniers temps, nous avons procédé à l’élargissement artificiel des îles pour construire des bâtiments et installer des systèmes pour fournir de l’eau potable.
Quelles seraient selon vous les opportunités et les menaces de la Chine sur le plan des relations nationales et internationales ?
Nous croyons que les obstacles ralentissant le développement de la Chine constitueront son principal défi. Nous sommes confiants que nous serons capables de résoudre ces défis et de les transformer en opportunités.
Pourriez-vous nous expliquer la politique de non-ingérence ?
Cette politique étrangère a été posée par notre ancien premier ministre. D’après nous, chaque pays, qu’il soit grand ou petit, est un pays souverain. Le gouvernement et le peuple de ce pays a le droit complet de résoudre les problèmes qui les concerne. Ainsi, leurs décisions ne doivent pas être prises par une entité supérieure. On ne pense pas que les pays plus puissants peuvent décider pour eux ou les influencer.
Selon vous, quels sont les États avec lesquels la Chine entretient les plus importantes relations diplomatiques ?
Le Chine maintient des relations avec presque tous les pays du monde. En ce qui concerne les relations diplomatiques, nous mettons sur un même pied d’égalité les relations avec les grands pays, comme la Russie ou les Etats-Unis, et les petits pays, comme l’Île Maurice.
Que représentent, pour la Chine, les valeurs véhiculées par les Etats-Unis, qu’ils disent être universelles ?
Notre président Xi Jinping met l’accent dans son discours sur le fait que la démocratie, la liberté d’expression et les droits humains sont importants pour les Etats-Unis. Toutefois, si ce sont des valeurs qu’il faut reconnaître, elles ne sont pas universelles, malgré ce que semblent penser les Etats-Unis. Effectivement, chaque pays trouve sa propre voie de développement et ses valeurs qui conviennent à leur condition.
Selon vous, pourquoi l’émergence de la Chine peut être vu par certains États comme une menace ?
Cela s’explique par une incompréhension de la Chine, car ils ne connaissent pas l’histoire et la philosophie du peuple chinois. En effet, la Chine jouit d’une histoire vieille de cinq milles ans. Beaucoup de personnes pensent que la Chine utilisera sa puissance économique et militaire pour influencer les autres et arriver à ses fins comme certains pays auparavant. Cependant, s’ils connaissent l’histoire de la Chine, ils peuvent retrouver que, même à l’époque des dynasties Tang et Ming, la Chine n’a jamais colonisé ou envahi d’autres pays. Au contraire, nous croyons que nous avons réussi à transmettre pacifiquement notre technologie et notre culture.
Auparavant, les pays qui souhaitaient exploiter leurs mines et leurs ressources naturelles n’avaient pas le choix de coopérer avec certains pays et accepter leurs conditions. Étant donné que la Chine joue un rôle de plus en plus important sur la scène internationale, une nouvelle possibilité de coopération s’offre aux pays du monde. Désormais, l’Afrique et la Chine se réunissent lors de conférences ministérielles dans le cadre du Forum sur la coopération sino-africaine organisé tous les trois ans. Dans ce contexte, la Chine accroît sa coopération avec les pays africains sans toutefois ajouter de condition politique ou soit disant démocratique. En les aidant à installer leur système de production, par exemple, cette coopération est favorable au développement de leur économie. Bien sur, cela signifie que les intérêts de certains pays, qui ne participent pas à ce partenariat, diminueront.
Comment qualifieriez-vous la relation diplomatique entre la Chine et les États-Unis?
La Chine est le plus grand pays en développement, tandis que les Etats-Unis sont le numéro un dans le monde : en ce sens, notre coopération est nécessairement importante. Depuis l’installation des relations diplomatiques entre la Chine et les États-Unis, il y a eu du progrès dans tous les domaines, que ce soit économique, scientifique, culturel, etc. Par conséquent, nous pensons que la relation entre la Chine et les Etats-Unis se renforcera et s’améliorera dans le futur. Nous pensons que la Chine et les Etats-Unis se comprendront davantage.
Comment percevez-vous la stratégie du pivot asiatique annoncée par les États-Unis en 2011 et officialisée en 2012?
On n’a jamais jugé un pays par leur stratégie ou par leurs politiques diplomatiques. Selon notre philosophie, nous pensons que chaque pays a droit à sa propre voie de développement. Ensuite, s’il y a des disputes avec d’autres pays, il ne faut pas qu’une troisième partie s’ingère, parce que cela rendra nécessairement la situation de plus en plus complexe.
Percevez-vous le pivot asiatique et la présence américaine dans la région comme le maintien d’une logique historique d’affaiblissement de la Chine ?
Non, je ne pense pas. Nous ne pensons pas que le développement des autres pays constitue une menace. Le développement du monde est une opportunité pour notre développement.
Avec l’Organisation de coopération de Shanghai, la Chine et d’autres pays asiatiques manifestent leur volonté de régler les problèmes de l’Asie par des acteurs asiatiques. Dans ce contexte, comment percevez-vous la présence renforcée des États-Unis sur votre façade maritime du Japon à Singapour ?
Nous ne pensons pas que la Chine va représenter un problème pour les autres pays, que ce soit pour le Japon, Singapour ou les Philippines. La coopération entre tous ces pays va dans une bonne direction. On pense que si un 3e pays, comme les Etats-Unis, est présent dans une coopération bilatérale, ils doivent jouer un rôle positif. Ils ne doivent pas jouer un rôle de trouble-fait dans les relations bilatérales entre la Chine et ces pays.
Historiquement, la Chine a déjà été une grande puissance. Quelles sont les causes de l’affaiblissement général de la Chine aux 19e et 20e siècles ?
Le développement. L’histoire a appris beaucoup de leçons aux Chinois. Auparavant, la Chine se fermait aux autres pays, c’est la raison pour laquelle son développement n’était pas possible. Aujourd’hui, le développement est la priorité de notre pays. C’est ce qui explique notamment notre réforme d’ouverture et notre croissance technologique.