Partager la publication "La mer de Chine méridionale: poudrière de l’Asie-Pacifique ? Entrevue"
Entrevue avec Loïc Tassé, chargé de cours au département de Science politique de l’Université de Montréal, spécialiste des questions chinoises.
Suite aux négociations de 2010 lors du forum de l’ASEAN au Vietnam, les États-Unis se sont engagés à soutenir les membres de l’ASEAN quant au conflit relatif à la mer de Chine du Sud. Quelle serait la réaction de la Chine face à une présence américaine plus grande en mer de Chine?
Les Chinois ont toujours condamné la présence des Américains en mer de Chine. Ils cherchent à les faire partir, avec une certaine justesse. La politique de pivot vise à contenir la puissance chinoise. Ces-derniers ne veulent pas que les ÉUA renforcent leur présence dans la région. L’ASEAN a été formée pour contrer la menace communiste et chinoise. On voulait le faire avec des échanges armés et en augmentant le niveau de vie des différents pays de l’Asean. Celle-ci a des intérêts antichinois. Le communisme n’est plus une menace de nos jours contrairement à la Chine dans la région mais elle est aussi une grande opportunité économique pour les pays de l’ASEAN.
La Chine peut-elle assurer sa protection et son expansion sans le contrôle des mers de Chine?
C’est difficile à concevoir. La Chine a absolument besoin d’avoir accès à des ressources naturelles pour protéger les routes commerciales. La Chine ne doit pas craindre une invasion sur son sol.
La Chine peut-elle protéger ses intérêts économiques?
Grâce à sa protection de la mer de Chine, elle protège aussi son commerce extérieur, commerce qui vaut environ 25% de son économie totale.
La Chine semblerait développer de nouvelles voies maritimes connus sous le nom de la stratégie du collier de perle, pourrait-on envisager l’existence de deux voies de commerce maritime, une américaine, l’autre chinoise, pacifiquement?
C’est déjà le cas d’une certaine manière. Le 15 avril la Chine a créé un système financier international parallèle à la banque de développement asiatique et mondiale. La Chine a développé des relations avec certains pays du monde car elle tente de devenir le nouveau centre mondial du commerce. Étant connu comme le pays du milieu, ils ont toujours vécu culturellement comme étant le centre de tout. Dans la mesure où les Américains étaient au centre du monde, les chinois veulent ravir cette place aux États-Unis. Ils essayent de créer des réseaux parallèles aux Américains afin de rivaliser avec ceux-ci.
Pourrait-on envisager une alliance multilatérale entre l’Australie, les États-Unis, le Japon et la Corée du Sud face à la menace militaire de l’APL ? Si oui, quelle serait la réponse chinoise à cette situation?
Cette alliance existe déjà, mais elle est informelle. Elle regroupe, entres autres, Taiwan et les Philippines. Les Américains sont au centre de cette alliance. De manière informelle, les États-Unis ont formé une alliance avec tous ces pays. Les Chinois tentent d’établir leurs propres alliances, avec la Russie. Ils le font avec des pays d’Asie-centrale, ou des pays de la péninsule chinoise. Les chinois sont marxistes. Pour eux ce qui compte c’est les agissements économiques, l’infrastructure. Tous les pays de la région vont commercer avec les Chinois et c’est ce qui importe pour eux.
La Chine a basé son développement économique sur les principes de l’émergence pacifique et de la relation gagnant-gagnant avec ses partenaires. Peut-on dire que sa stratégie fonctionne suite à l’augmentation des tensions et des mouvements séparatistes en Chine et en Asie?
C’est de a propagande, le gagnant-gagnant. Ce ne sont pas les vraies choses. Ils justifient ce qu’ils font. Le grand gagnant, c’est la Chine. Cela n’a rien avoir avec ce qui se passe réellement. Ce n’est pas cela le problème. Ils travaillent sur d’autres fronts pour contrer l’augmentation de l’islamisme chez eux. Ce qu’ils font, c’est envoyer des vagues de Chinois pour faire de la migration intérieure : submerger les populations minoritaires avec des Chinois. Il y a d’autres stratégies, comme le fait de faire passer des militants indépendantistes pour des terroristes, ou tout simplement de submerger les populations autochtones avec des Chinois.
La Chine pourrait-elle envisager d’abandonner certains conflits géopolitiques, comme celui de la mer de Chine, au profit d’une coopération économique avec ses pays voisins entourant la mer de Chine?
C’est ce qu’ils prétendent faire. Ils le demandent en demandant aux autres de partager. Selon les Chinois, ils devraient avoir droit au cinquième des ressources mondiales puisqu’ils sont le cinquième de la population mondiale. Ils ont une définition particulière de la coopération. Ils essayent de forcer la coopération. La Chine développe les pays pour qu’ils partagent leurs ressources avec elle par la suite. Comment se ferait le partage-là ? Voici la question qu’il faut se poser.
Est-il légitime pour la Chine de dire que le Japon est en violation des principes de la communauté internationale?
Sur les îles Senkaku, oui. L’île devrait appartenir à la Chine. Le traité de San Francisco en 1952 a oublié de mentionner ce territoire. C’est difficile pour les Japonais de justifier qu’elle leur appartient, l’ile. Aujourd’hui, la raison du plus fort prévaudra. Et le plus fort dans ce cas-ci, c’est la Chine.
Entrevue réalisée par Jérémie St-Martin et Christophe Wilson en avril 2015.