En 2008, la crise financière mondiale amena l’Islande à faire banqueroute. C’est alors dans une situation critique que le parlement islandais proposa officiellement l’intégration de son pays à l’Union européenne. Il est vrai que, depuis l’élection du Parti du progrès, un gouvernement de gauche, en 2003, l’idée de se rallier aux Européens était sur toutes les lèvres. En 2009, à la suite de la faillite des trois banques nationales, la dette totale de l’Islande s’élevait à 625 milliards de dollars canadiens, soit 235 % de leur PIB de l’époque. En comparaison, la même année, la dette publique canadienne représentait seulement 33 % de notre PIB avec un total de 463 milliards CAD. C’est donc dans une perspective de relance économique et politique que l’Islande désirait intégrer l’UE. Or, il y eut un revirement de situation soudain, car ce pays a déclaré publiquement en mars 2015 qu’il annulait sa candidature à l’égard de l’Union européenne. Comment peut-on expliquer ce brusque virage d’opinion? L’Islande a-t-elle réellement déjà souhaité s’annexer à la zone euro?
Avant toute chose, il faut clarifier le fait que l’Islande est un pays au passé trouble qui a seulement connu l’indépendance totale en 1944. Les Islandais ont d’ailleurs conservé une amertume à l’égard de leurs voisins européens, comme le Danemark et la Norvège, royaumes ayant longtemps inclus l’Islande comme territoire dépendant. Ce peuple a donc développé une certaine méfiance politique envers l’Europe en raison des abus concernant l’exploitation excessive de leurs ressources naturelles, comme le maquereau et la morue, qui ont été fait au XVIIIe siècle lorsque l’Islande était sous la gouvernance du Danemark. Par conséquent, la nation islandaise a démontré un renoncement clair à l’égard des valeurs capitalistes européennes depuis son indépendance politique. Leur parlement unicaméral, l’Althing, agit efficacement en ayant fréquemment recours à des référendums auprès de la population. Les Islandais ne désirent donc pas adopter les procédures juridiques que préconise l’Europe. D’ailleurs, au sein de l’Union européenne, chaque pays membre doit faire preuve de prudence démocratique lors de chaque discussion interétatique. Ainsi, cela ralentirait considérablement la prise de décision du parlement islandais qui n’a pas l’habitude de s’attarder longuement durant les assemblées au parlement.
Malgré les reproches qu’entretient l’Islande à l’égard de l’Europe concernant, entre autres, la gestion de leurs pêcheries, ce pays devrait-il intégrer l’Union européenne? Les analystes de cette association politico-économique vous diront que c’est une occasion en or pour l’Islande. Elle aurait la chance de reconstruire son économie qui a connu un effondrement financier en 2009. D’ailleurs, il est estimé que l’adoption de l’euro par les Islandais permettrait d’augmenter leur pouvoir d’achat de 60 %, ce qui stimulerait énormément l’économie et réduirait le taux d’inflation qui avait atteint 17 % en 2009. Par conséquent, l’entrée de l’Islande dans la zone euro lui permettrait de regagner la confiance économique des pays voisins. Par ailleurs, ces relations économiques lui donneraient la chance d’entretenir des liens politiques avantageux avec des puissances plus importantes sur la scène internationale. Selon la théorie libérale des relations internationales, les liens commerciaux basés sur la confiance en l’euro qui pourraient se réaliser entre l’Islande et les autres pays membres de l’UE permettraient d’assurer un climat de paix en Europe. Or, la sécurité nationale de l’Islande n’est pas menacée, ce sont plutôt les relations commerciales qui doivent être maintenues dans la pacificité afin d’assurer la continuité des échanges économiques. Toutefois, ces hypothèses reflètent-elles réellement la situation de l’Islande?
Actuellement, l’Islande a surmonté la crise financière et elle est surnommée par la communauté internationale « le miracle économique ». Ce pays insulaire a réussi à rembourser la totalité de sa dette au FMI en automne 2015 et il a atteint un taux de croissance de 1,9 % cette année. Dès lors, l’Islande ne semble plus avoir besoin de l’assistance économique que lui offrait l’Union européenne. Mais comment expliquer ce redressement économique si soudain sans l’aide de l’UE?
Dans les faits, l’économie du tourisme et de la pêche en Islande ont été très stimulées par la baisse considérable de la valeur de sa devise. Effectivement, la couronne islandaise a chuté de 70 % en 2009, atteignant environ la moitié de la valeur de l’euro. Subséquemment, le taux de change était très avantageux pour les touristes et il y eut plus d’un million de visiteurs en 2014. Quant à l’industrie de la pêche, la baisse considérable de la valeur de la monnaie islandaise a permis de favoriser les exportations de morues et de maquereaux. Par ailleurs, le gouvernement islandais a pris des mesures peu conventionnelles concernant le règlement des dettes externes. Il a notamment refusé de rembourser les pays voisins, comme l’Angleterre, qui avaient investi des milliards dans la banque d’épargne en ligne IceSave. Cela a permis à l’Islande d’éponger la majorité de son déficit. Puis, afin de soigner le sentiment d’injustice que vivait sa population, l’Islande fit un acte impensable en condamnant les principaux administrateurs de la banque Kaufthing à des amendes ainsi qu’à des peines de prison allant de quatre à cinq ans. Ces solutions peu européennes illustrent la divergence entre la mentalité islandaise et celle des pays de la zone euro.
Toutefois, il n’y a pas que l’amélioration de l’économie islandaise qui motive le retrait de la candidature islandaise à l’égard de l’Union européenne. L’Islande bénéficie déjà de nombreux avantages de l’UE sans en être membre. Depuis 1970, cette dernière est membre de l’Association européenne de Libre-Échange (AELE) ce qui lui permet d’exporter et d’importer des marchandises en Europe sans barrière tarifaire. De surcroît, l’Islande fait partie de la convention de Schengen ce qui autorise la libre circulation de ses citoyens en Europe. Cela favorise le tourisme tout en permettant à l’Islande de préserver son autonomie politique à l’égard de l’Union européenne.
Enfin, l’Islande semble avoir pris une décision raisonnable en annulant son processus d’adhésion à l’Union européenne. Il paraît plus avantageux pour elle de conserver son indépendance politique et économique tout en conservant ses liens de proximité commerciale et touristique avec le reste de l’Europe. En outre, l’annexion de ce pays à l’UE aurait probablement suscité la colère et le mécontentement du peuple islandais, vu les différences marquantes d’idéologies. Effectivement, l’Islande est l’un des seuls pays au monde à compter une seule nation sur son territoire. Les Islandais partagent donc tous la même identité nationale. Ce phénomène peut s’expliquer par plusieurs facteurs comme leur situation géographique qui les isole et leur langue unique et très complexe. L’homogénéité des Islandais fait de cette nation un ensemble très « soudé » qui redoute de perdre son sentiment de nationalisme, ses valeurs et ses traditions à l’égard des différentes cultures européennes.
Par conséquent, l’adhésion à l’Union européenne aurait été considérée telle une atteinte aux piliers économiques et culturels de l’Islande.Toutefois, il ne faut pas encourager ce pays à s’isoler davantage. Au contraire, l’Islande doit continuer d’entretenir des relations économiques avec le reste de l’Europe, étant donné que cela lui permet de s’enrichir et de diversifier son économie. À cet égard, l’Islande, en tant que puissance politique plutôt mineure, ne peut se permettre de se marginaliser, car ce n’est pas un pays autosuffisant. C’est surtout en raison de sa situation financière précaire que l’Islande doit être prudente sur la scène internationale et donc perpétuer son image « d’île-amie ».
Par Sofia Panaccio,
Étudiante en Études Internationales, Collège Jean-de-Brébeuf
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