Partager la publication "DOSSIER EUROPE – L’UE: fonctionnement, avantages et limites"
La mort de l’Union européenne a été prononcée à plusieurs reprises. La crise financière de 2008 et maintenant la crise des réfugiés ont failli faire imploser l’union. Malgré tous les pronostics passés, l’UE a toujours rebondie et les innovations institutionnelles l’ont maintenu en vie. Afin de mieux comprendre les rouages de cette grande machine technocratique, il est important de commencer par présenter le triangle institutionnel qui compose le centre décisionnel de l’UE. Par la suite, une histoire des changements apportés depuis le Traité de Maastricht de 1992 mettra la table à une brève comparaison des avantages et des limites de l’UE.
Le cœur décisionnel de l’Union européenne
La prise de décision au sein de l’UE n’est pas une chose simple. Le centre institutionnel de l’UE se divise en trois : la Commission européenne, le Parlement européen et le Conseil européen. Ces institutions représentent réciproquement l’exécutif, la représentation populaire et l’approbation des États nationaux. Le cœur névralgique pour comprendre la dynamique européenne se situe dans ce jeu de balancier à niveaux multiples entre la prise de décisions communautaire et la prise de décision intergouvernementale. La Commission représente cette prise de décision communautaire, tandis que le Conseil représente ces négociations entre les différents gouvernements constituant l’UE. Le Parlement européen est la représentation directe du peuple. Ces trois institutions sont appuyées par la Cour de justice européenne qui sert à régler les différends.
La Commission est composée d’un collège de commissaires à raison d’un (1) par état membre. Ces commissaires doivent avoir l’intérêt général européen à cœur avant celui de leur nation. Leur mission est de mener à bien l’administration et les affaires courantes de l’UE, tout en ayant le monopole de l’initiative réglementaire. Cependant, la Commission ne peut pas faire adopter une mesure réglementaire seule. Toute réglementation doit également être approuvée par le Parlement européen. Le Parlement européen est élu directement au suffrage universel pour un mandat de 5 ans. Le Parlement doit élire le Président de la Commission et approuve ou rejette le conseil des commissaires en bloc. Bien qu’il ne possède pas l’initiative réglementaire, le Parlement peut amender ou rejeter tout projet provenant de la Commission. Finalement, le Conseil regroupe tous les chefs d’État de l’UE. Le but premier du conseil est de donner les grandes orientations politiques de l’UE. Il propose également un candidat pour le poste de Président de la Commission. Le rôle du conseil, outre les rencontres annuelles, est souvent de régler les crises en tête à tête et de façon rapide entre les différents dirigeants européens.
Les changements depuis Maastricht
Le traité de Maastricht signé en 1992 a nommé l’Union européenne. Avant celui-ci, on parlait de la Communauté européenne. Le plus grand changement apporté par ce traité fut l’introduction d’une monnaie commune – l’euro. L’utilisation de la monnaie a commencé en 1999 et les pièces et billets sont entrés en circulation en 2001. Lors de la signature du traité d’Amsterdam en 1999, le traité de Schengen (signé en 1985) a été inclus dans le projet européen. Ce traité permet la libre circulation des personnes de pays en pays sans frontières internes et sans visa. Il va sans dire que l’euro et la zone Schengen[1] sont les deux réalisations les plus tangibles, mais également les plus appréciées par la population européenne. Cette population a crû très rapidement entre 2004 et 2007 avec l’ajout de 12 nouveaux membres. Cet ajout a été rendu possible grâce à l’adoption des critères de Copenhague en 1993. Ceux-ci ont pour but de simplifier et de clarifier les critères à remplir pour pouvoir joindre l’union. Ceux-ci incluent une démocratie stable qui respecte les droits de l’homme, le droit des minorités et l’état de droit; une économie de marché viable capable de faire face aux pressions et à la concurrence; et la volonté d’adhérer aux valeurs d’intégration politique, économique et monétaire de l’union.
Malgré le rejet d’une constitution européenne par la France et les Pays-Bas en 2005, un projet de réforme fut adopté en 2007 à Lisbonne. Afin de simplifier la gouvernance, la règle de la majorité a été abandonnée au profit de la majorité qualifiée de 55% des membres du Conseil représentant au moins 65% des citoyens européens. De plus, des personnalités légales ont été créées pour donner plus de cohérence à l’UE sur la scène internationale et le rôle du Parlement européen a été renforcé. Il y a maintenant un Président du Conseil européen et une Haute-Représentante de l’Union pour les affaires étrangères et de sécurité. Cette innovation a permis de répondre à la célèbre question de Henry Kissinger, à savoir quel numéro composer si vous avez besoin de parler à l’Europe.
Une union avantageuse?
D’un côté, il est possible de célébrer la fin des Guerres mondiales en Europe. La paix perpétuelle et la fin des conflits violents en sol européen semblent achevées. Les gens peuvent circuler d’un pays à l’autre sans contrôle. Il est possible d’utiliser la même monnaie dans la majorité des pays. Il est possible pour les citoyens d’aller s’établir et de travailler n’importe où dans l’UE sans trop de contraintes, tandis que les entreprises peuvent faire des affaires et vendre leurs produits plus facilement à travers tous les pays membres. De l’autre côté, il est possible de critiquer le caractère opaque et la déconnexion des décideurs institutionnels européens. La très faible participation de la population lors des élections parlementaires européennes est un symptôme très fort de cet état de fait (43% en 2009 et 42.54% en 2014). Il y a une certaine légitimité à contester une prise de décision à Bruxelles par les élites européennes et ses effets mur à mur de Lisbonne à Bucarest. Finalement, il est aussi possible de dénoncer l’orientation généralement libérale des décisions et l’absence de vision cohérente – par exemple, les problèmes découlant d’une union monétaire sans union fiscale ou mécanisme de redistribution sont maintenant très clairs depuis 2008; tout comme l’absence d’une politique européenne intégrée sur la question des réfugiés.
L’exemple patent de ces critiques anti-UE se situe sur l’île qui résiste toujours d’une façon ou d’une autre à l’envahisseur : le Royaume-Uni. Le 23 juin 2016 se tiendra un référendum sur la question du maintien du Royaume-Uni au sein de l’UE. Depuis que le Royaume-Uni a joint l’UE, des voix s’y sont élevées pour dénoncer d’une façon ou d’une autre une plus grande intégration ou le souhait d’augmenter la gestion communautaire. L’UE est-elle un bouc émissaire bien opportun ou est-ce le résultat d’un malaise bien-fondé? C’est la question à laquelle notre prochain collaborateur répondra.
Simon Poirier
Centre d’Excellence sur l’Union européenne, Université de Montréal – McGill University
[1] La Grande-Bretagne et l’Irlande se sont munies d’une option de sortie. La Suisse, l’Islande et la Norvège font partie de la zone sans être membres de l’UE.