Partager la publication "DOSSIER EUROPE – Union européenne : fonctionnement, avantages et limites"
Introduction
Décrite comme un «objet politique non identifié» (OPNI) par Jacques Delors alors qu’il était président de la Commission, la nature de l’Union européenne (UE) a longtemps fait débat. À mi-chemin entre l’organisation internationale et l’État fédéral, elle peut être définie comme un système politique sur la base de quatre critères :
- Elle possède un ensemble d’institutions stables et définies
- Les citoyens cherchent à réaliser leur volonté politique par le biais du système
- Les décisions collectives ont un impact sur la répartition des ressources et des valeurs
- Il y a des interactions permanentes entre les différentes parties du système
Reposant sur une succession de traités ratifiés par les États membres depuis sa fondation en 1951, la structure juridique de l’UE est actuellement établie par le Traité de Lisbonne (2007) qui en détermine les compétences. Ainsi, à côté des pouvoirs nationaux, régionaux et locaux, existe un pouvoir européen. Allant des compétences exclusives (par ex. Monnaie, Commerce) aux compétences d’appui (par ex. Tourisme, Sport) en passant par les compétences partagées comme l’énergie et l’environnement, le pouvoir européen est régi par le principe de subsidiarité , c’est-à-dire « l’organisation décentralisée des responsabilités, afin de ne jamais confier à une plus grande unité ce qui peut être mieux réalisé par une plus petite» (Jacques Delors, 1989)
Ce système politique repose sur les quatre intérêts qui ont animé la construction européenne depuis ses débuts : l’intérêt général (incarné par la Commission européenne), l’intérêt national (incarné par le Conseil de l’Union européenne), l’intérêt des citoyens (incarné par le Parlement européen) et les valeurs juridiques (incarnées par la Cour de Justice de l’Union européenne). Voyons le rôle de ces institutions d’un peu plus près.
Les institutions
Si la séparation des pouvoirs au sein de l’Union européenne n’est pas une évidence pour ses citoyens, elle existe bien.
Ainsi, le pouvoir exécutif est exercé par La Commission qui « promeut l’intérêt général de l’Union ». En ce sens, elle est responsable de la proposition et de la mise en application des lois européennes, du suivi des traités et de la gestion quotidienne de l’UE. Son président est le chef du parti populaire européen (PPE), le luxembourgeois Jean-Claude Juncker.
Le pouvoir législatif est divisé entre le Parlement et le Conseil de l’Union européenne.
Le Parlement est le seul organe élu directement par les citoyens européens. Selon le principe de souveraineté dans les démocraties représentatives, il est donc le représentant des intérêts du peuple. Son rôle et son importance n’ont cessé d’augmenter au cours des années: alors qu’en 1952, l’Assemblée commune de la CECA n’avait aucune fonction législative, aujourd’hui il doit approuver presque toutes les lois et détermine, par sa couleur politique, la nomination du président de la Commission. Son président est le social-démocrate allemand Martin Schulz.
De son côté, le Conseil de l’UE, composé des ministres des États membres, incarne la vision intergouvernementale de la gouvernance européenne. Son rôle consiste à adopter la législation en collaboration avec le Parlement et à coordonner les politiques de l’UE avec la Commission. Le Conseil de l’UE est présidé par les États membres (actuellement les Pays-Bas) à tour de rôle.
Le fonctionnement institutionnel de l’Union européenne
Bien que toutes ces institutions aient pour mission de « promouvoir les valeurs, poursuivre les objectifs, servir les intérêts, ceux des citoyens, et ceux des États membres », l’Union européenne essuie de plus en plus de critiques. Plus que jamais dans son histoire, elle semble sur le point de tomber en morceaux, n’arrivant pas à faire face à la crise économique, à la crise des migrants, à la menace d’un retrait du Royaume-Uni (Brexit), etc. Dans ce contexte, il nous semble important de revenir sur les réalisations de l’UE.
Qu’est-ce que l’UE a apporté jusqu’à présent ?
Il y a ces réalisations martelées par les europhiles: la paix établie sur le continent depuis 1945, l’établissement du plus grand marché du monde, d’une monnaie unique, et une libre circulation des biens et des personnes.
Concernant la paix, l’Union européenne a été établie sur les bases du traumatisme de la Seconde Guerre mondiale. Il fallait faire en sorte que « la guerre soit non seulement impensable, mais matériellement impossible» (Schuman, 1950). Manifestement, malgré le fait que les citoyens européens ne soient pas sensibles à cette réalisation, il faut rappeler que le territoire européen n’a jamais connu une période de paix aussi longue.
De son côté, le marché unique garantit la libre circulation des personnes, des biens, des services et des capitaux. Les citoyens européens peuvent voyager, vivre, travailler, étudier et profiter d’une large gamme de biens et services à travers le territoire européen. Erasmus est en train de créer une génération transnationale. Schengen a permis à des milliers de travailleurs d’élargir leur horizon et leurs possibilités et à des millions de vacanciers, de profiter de la disparition des postes de douanes.
En dehors de ces réalisations majeures, mais très connues, il faut souligner l’impact social de l’UE à l’intérieur et à l’extérieur de ses frontières. À l’intérieur de ses frontières, elle s’est attaquée à la discrimination basée sur le sexe, l’origine, l’âge et le handicap grâce à un éventail de directives qui ont changé le visage de nos sociétés. À l’extérieur de ses frontières, elle représente près de la moitié de l’aide humanitaire mondiale.
Malgré tout, il est certain que les crises successives de ces dernières années ont considérablement ébranlé tous ces acquis à tel point, que beaucoup se questionnent sur la survie de l’UE
Quels sont les défis futurs ?
Décider à vingt-huit, c’est compliqué. Vouloir résoudre une crise à vingt-huit par compromis, c’est ambitieux. Mais vouloir résoudre plusieurs crises à vingt-huit c’est utopique. Face aux crises, les tentations nationales, voire nationalistes, se renforcent. L’unité et la survie du mode de gouvernance de l’UE sont remises en cause à chaque nouveau mur qui se dresse sur la route des migrants, à chaque nouvelle victoire d’un parti populiste et à chaque nouvel échec d’un sommet européen.
De plus en plus, l’horizon d’un dénouement semble être à la croisée de deux chemins : plus d’intégration ou l’éclatement.
Manque de visibilité, déficit démocratique, vol de souveraineté, etc. – autant de thématiques qui encouragent les citoyens à résister au processus d’intégration.
En juin 2016, les Britanniques voteront sur leur volonté de rester ou non dans l’Union européenne. Quel que soit le résultat, ce référendum marquera un tournant dans l’histoire de l’intégration. Pour certains experts, la sortie du Royaume-Uni serait une catastrophe politique alors que pour d’autres, ce serait un épouvantail qui redonnerait ce nouvel élan dont elle a tant besoin.
Peut-être devons-nous voir cette augmentation de contestation comme une véritable opportunité. L’Union européenne s’est peut être construite trop vite. Aujourd’hui, elle peut ignorer les critiques et les impasses dans lesquelles elle se trouve, au risque d’éclater et de mettre un terme à plus d’un demi-siècle de réalisations et de paix. Mais elle peut aussi prendre en compte ces critiques, reconnaitre ses propres failles, se réformer, engager un nouveau processus d’intégration. Ainsi, ces crises sont peut-être la chance de voir une Union européenne triomphante. Mais pour cela, elle devra faire comprendre les implications de cette devise à ses peuples : « Unie dans la diversité ». « Unie » car l’histoire européenne nous enseigne que c’est la seule voie pour éviter la guerre. « Divers » car l’Union européenne n’a jamais eu la prétention de se substituer aux spécificités nationales. Si les peuples européens font leur cette devise, tout devient possible. L’histoire n’est jamais à l’abri d’un sursaut salvateur.
Capucine Berdah
Coordonnatrice de la Chaire Jean-Monnet de l’Université de Montréal
Références
Europa.eu
Hix, Simon et Hoyland, Bjorn (2011) The Political System of the European Union, 3rd edn, Palgrave, chapitre 1: “Understanding the Political System of the EU”.
Magnette Paul (2009), Le régime politique de l’Union européenne, Paris, Presses de Sciences Po (P.F.N.S.P.) « Références »
Mérand, Frédéric, et Julien Weisbein. 2011. Introduction à l’Union européenne: institutions, politiques et société́. Bruxelles: De Boeck.