Partager la publication "Jusqu’où peut aller le droit international? L’exemple de la Cour pénale internationale"
L’idée d’un système permanent de droit établi afin d’assurer la poursuite de personnes liées à des crimes de guerre d’envergure internationale génère auprès de certains un sentiment de scepticisme. Ces crimes sont entre autres le génocide, les crimes contre l’humanité, crimes de guerre et les crimes d’agression. En ayant mis en place un tel état de droit, à la fois homogène dans sa définition des concepts légaux et dans son application de la loi, une question importante se pose : comment une cour internationale peut-elle exercer son pouvoir sur des États, sans préconception, et sans pour autant brimer leur souveraineté?
Avant d’analyser le rapport entre une telle cour et les États, il faut comprendre son fonctionnement. La Cour pénale internationale (CPI) a été fondée de manière permanente en 2002, lors d’une assemblée des Nations Unies (ONU), suite à l’adoption du Statut de Rome. À partir de ce moment, la CPI incarnerait le rôle d’une cour permanente et autonome, n’étant pas ralliée à un pays en particulier, d’où son statut de neutralité. Il est à préciser que dans son autonomie, la CPI n’est en aucune manière directement liée à quelque corps diplomatique de l’ONU. Elle ne reçoit donc aucun mandat obligatoire de leur part, bien que le Conseil de sécurité de l’ONU puisse lui formuler des recommandations de dossiers qu’elle peut accepter ou refuser de son plein gré. Ce qui différencie principalement la CPI des autres cours internationales est qu’elle soit chargée de juger des individus, et non des groupes ou des États.
La CPI s’organise autour de quatre organes : la Présidence, la Chambre, le Bureau du procureur et le Greffe. Chacun de ceux-ci est chargé de tâches spécifiques qui traitent soit de l’administration de la Cour, de sa procédure judiciaire, ou encore le traitement des accusés et des victimes lorsqu’une cause est entendue en cour. La juridiction de la Cour s’étend sur le territoire des cent vingt-trois États qui reconnaissent son autorité, et qui, dans le cas où un crime aurait été commis, seraient contraints à se conformer à quelconque intervention ou enquête menée sur leurs territoires suite à sa demande.
Qui dit droit international, dit coopération entre États. Cette collaboration est facilitée par le concept de l’inviolabilité de la souveraineté des États, selon lequel chacun adopte une position de responsabilité entière quant à la gestion de sa population et de son territoire. Le moment où l’un des crimes mentionnés ci-haut aurait été commis au sein d’un État se trouvant sous la juridiction de la CPI, il ne serait plus question d’une affaire nationale, mais plutôt d’un cas d’intérêt international. Voilà le problème principal auquel est confronté la CPI : ce principe de respect de la souveraineté agit en tant que régisseur des capacités d’actions d’une entité non-gouvernementale ou internationale, et est celui qui permet, ou non, l’intervention d’une telle entité dans quelconque affaire. Ceci dit, comment la CPI peut-elle imposer son autorité à des États, sans toutefois être accusée d’ingérence dans des affaires nationales, et sans pour autant outrepasser ce concept de souveraineté?
Cette question a notamment été soulevée suite à de nombreuses critiques portées à l’égard de la Cour, plus particulièrement quant à ses implications dans certains États africains. Depuis les premières causes entendues, notamment dans le cadre des poursuites entamées suite au génocide rwandais de 1994, la Cour a fait l’objet de plusieurs critiques qui dénonçaient un ciblage des États africains. Aujourd’hui, on constate la naissance d’un mouvement de revendications, mené par certains de ceux-ci, qui cherche à atteindre une cohésion au sein des membres africains de la CPI quant à la possibilité d’un retrait collectif de sa juridiction. Un tel retrait ferait preuve d’un désir de dénonciation de l’acharnement de la Cour à l’endroit de l’Afrique, et dresserait la voie pour une éventuelle parité dans la provenance des causes dont elle fait l’étude. Au sein de ce mouvement, se trouve l’idée que la Cour aurait mis de côté son obligation d’impartialité, pour ne concentrer ses forces que sur les causes africaines. Cette même Cour, autrefois décrite comme étant le front commun judiciaire contre les crimes d’envergure internationale, est maintenant perçue comme étant une « arme westphalienne de contrôle », qui permet aux États occidentaux de s’ingérer dans les affaires nationales des États membres africains. Le 27 octobre dernier, le Burundi, jusqu’alors membre de la Cour, est devenu le premier État à s’en retirer, sous prétexte de vouloir veiller à la protection de sa souveraineté. Après son retrait, d’autres États africains ont manifesté leur désir de s’extraire de sa juridiction, soit l’Afrique du Sud, la Gambie, le Kenya et l’Ouganda, chacun se positionnant sur la même longueur d’onde que celle du Burundi au sujet du respect de leur souveraineté respective.
L’enjeu principal du droit international demeure celui du doute qui règne quant à son efficacité dans l’application de ses décisions, et ce, notamment en raison des lacunes du système en matière de capacité d’application du droit. Voilà entre autres l’origine du scepticisme de ceux qui remettent en cause l’efficacité d’une telle entité de droit international. Seulement par une application efficace pourrait-elle se voir considérée comme crédible, sans quoi elle n’aurait aucun poids réel contre ceux qui enfreindraient ses lois. Dans un monde où les outils principaux de renforcement du droit international sont majoritairement passifs, il peut sembler difficile d’entrevoir comment il pourrait y avoir une place à l’action concrète, pour autant qu’elle respecte les normes et lois mises en place jusqu’à présent. En considérant une telle approche, la CPI ainsi que de nombreuses autres organisations inter-gouvernementales devraient se servir des concepts juridiques qui limitent leur portée, tel celui de l’inviolabilité de la souveraineté des États, afin d’être en mesure d’assurer l’efficience de leur rôle en tant que régisseurs du droit international. D’emblée, toute entité internationale devrait se doter d’un mécanisme visant à assurer son impartialité, qu’il s’agisse de la mise en place de quotas au sein de ses officiers, ou encore quant à la provenance des dossiers portés à son attention.
Sierra Foster,
Étudiante en sciences humaines, profil études internationales, Collège Jean-de-Brébeuf
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