Le 14 mars de cette année, le président russe Vladimir Poutine a demandé à la majorité de ses troupes de se retirer de la Syrie parce que la mission qu’il s’était fixée était accomplie[1]. Cette annonce qui a pu paraître surprenante aux yeux de plusieurs démontre très bien la force de caractère de ce chef d’État qui peu à peu réaffirme la Fédération de la Russie comme une puissance importante dans les relations internationales. Plusieurs aspects ressortent du passage de la Russie en cette zone de conflit. La Russie possède plusieurs intérêts tant matériels, qu’immatériels. L’un de ces aspects se retrouve à être le militaro-technique, car la majorité des armes syriennes proviennent de la Russie[2]. Il y a aussi l’aspect religieux : la Russie porte une importance à défendre les minorités chrétiennes présentes en Syrie[3], en plus de mettre en valeur la laïcité du régime face aux penchants islamistes. Plus globalement, la Russie y voit un moyen de regagner une place importante dans le monde du Moyen-Orient ainsi que de faire valoir auprès de l’Europe l’importance du principe de non-ingérence dans les affaires syriennes.[4] Toutefois, dans tous ces aspects évoqués l’un ressort pour expliquer l’appui indéfectible des Russes envers ce pays ruiné par des conflits internes soit l’aspect militaro-technique.
Les relations militaro-techniques entre ces deux pays datent du milieu du XIXe siècle[5]. Et en ces jours où l’économie russe est plus instable qu’elle ne l’a été depuis de nombreuses années, il est indéniable que le principal enjeu de la Russie dans la crise syrienne se retrouve au point de vue militaro-technique. En effet, la Syrie fait partie des dix premiers clients de la Russie en matière d’armement et représente un marché de 831 millions de dollars au niveau de l’exportation d’armes. On comprend donc rapidement pourquoi le gouvernement Poutine ne souhaite pas la chute du gouvernement de Bachar Al-Assad. Effectivement, le nouveau pouvoir succédant à celui du chef actuel du gouvernement pourrait supposément, selon le dénouement du conflit, être un gouvernement qui ne porte pas attention aux intérêts des Russes et dans sa finalité, être un gouvernement islamiste non chiite, ce qui entraînerait des conséquences au niveau des échanges stratégiques et commerciaux essentiels à l’économie Russe. Dans cette optique, nous assisterions alors à la fin du monopole russe sur le marché de la région syrienne.[6] Un gouvernement chiite comme celui de Bachar Al-Assad permet à la Russie de consolider ses acquis en Occident en ayant l’appui de 2 superpuissances.[7]
Un autre point important pour comprendre les relations militaro-techniques entre les deux pays c’est le fait que la Russie possède des installations militaires permanentes sur ce territoire. La Russie possède un port à Tartous, ce qui lui permet de laisser ses navires et d’avoir un pied à terre pour ses installations militaires dans cette région du monde[8]. Ces installations se trouvent dans la partie orientale de la Méditerranée. La Russie possède 2 bases militaires dont une aérienne[9], ce qui lui permet, si elle le désire, de faire des frappes aériennes très rapidement dans la région pour combattre divers opposants qui lui font face. La Syrie y est, donc, un moyen d’étendre la zone d’influence et de protection des frontières russes. Cependant, la présence militaro-technique vient froisser d’autres dimensions du conflit.
L’importance de la laïcité du régime syrien présente, en effet, une autre dimension du soutien russe. En effet, les représentants russes conçoivent la domination grandissante de l’islam politique et mettent un point d’honneur à contrer ce phénomène.[10] Une répercussion positive de l’intervention russe en Syrie se trouve à être la défense des minorités chrétiennes. Grâce à toutes ses installations nommées précédemment, la Russie a réussi à produire des frappes efficaces pour entre autres protéger les minorités chrétiennes dans la région. Au plan religieux, il est important de rappeler que c’est un point important des raisons du soutien russe à la Syrie : en effet la Russie joue un rôle protecteur des minorités chrétiennes dans le monde arabe. Les liens entre le patriarcat syrien et celui de Moscou étant encore à ce jour perdurables, la présence syrienne orthodoxe se ressent donc extrêmement à Moscou. Cela représente une dimension très symbolique du soutien russe, mais leur permet également d’exercer leur influence dans la région. De plus, la volonté d’une part de repousser l’Islam et l’attachement à la chrétienté du régime de Poutine constituent des facteurs de soutien dut d’un goût de revanche envers l’Occident en mémoire des défaites subies 30 ans auparavant en Afghanistan.[11]
Toutefois, il existe des raisons plus claires à la présence russe en Syrie. La présence militaire de la Russie vient supporter l’argument qui est technique en arrière de cette manœuvre. Le gouvernement Poutine a tout intérêt de garder une politique de non-ingérence. Bien que plusieurs associent cette implication à une guerre d’intermédiaire avec les États-Unis pour suivre les tensions de la guerre froide, la Russie n’a aucun intérêt à sortir cette puissance de la région.[12] Le président Poutine a par ailleurs affirmé que les objectifs de support en Syrie ont été majoritairement complétés et que l’aspect militaire n’est plus nécessaire.[13] Ce changement vient supporter l’attitude de rester en dehors des affaires des autres pays tout en ayant assuré que l’armée russe est une force qui est toujours à considérer. Cette affirmation a permis à la Russie de se définir comme un allié puissant et essentiel dans un Moyen-Orient en transformation et dont le centre de gravité change constamment régionalement.[14]
Maylis Née, Olivier Brouillette et Mathieu Marcoux
Étudiant en sciences humaines, collège Jean-de-Brébeuf
BIBLIOGRAPHIE
CHABAS Charlotte «Vladimir annonce le début du retrait des troupes russes en syrie», www.lemonde.fr , février 2016
PASQUESOONE Valentine, « Transferts d’armes en Syrie : les exportations russes inquiètent », www.lemonde.fr , février 2016
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BERCHE, Hélène. « Comment le positionnement stratégique de Moscou dans le conflit syrien révèle les ressorts de la diplomatie russe » dans perspective internationale, 2013, 25 pages.
NOCETTI Julien, « Russie: quelle lecture de la crise syrienne? » , Diplomate , https://www.ifri.org , 2012
Lejeune Pierre-Marie, « La Syrie vue de Moscou : comment comprendre le Kremlin ?. », Stratégique 2/2013 (N° 103) , p. 261-270
BARTHE Benjamin et MANDRAUD Isabelle, « La Russie a installé une deuxième base militaire en Syrie », www.lemonde.fr , Décembre 2015
PICHON, Frédéric. « La Syrie, quel enjeu pour la Russie ?. », dans Politique étrangère, 2013,volume 1, printemps, p. 107-11.8
BURGAT, François. « La crise syrienne au prisme de la variable religieuse (2011-2014 ») dans Actes du colloque,Les transitions arabes, 2014, repéré à https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01081791/document.
“Post-Syrian Russia and Middle East,” Russian International Affairs Council, 29 March 2016, http://russiancouncil.ru/en/inner/?id_4=7468
ROBINS-EARLY Nick, «Putin’s Withdrawal From Syria Shows His Real Objective Wasn’t Fighting ISIS»,Russian International Affair Council, 15 mars 2016 http://www.huffingtonpost.com/entry/russia-syria-withdrawal-putin_us_56e6faa1e4b0b25c9182b51d#comments
KORTUNOV Andrey, “Russians and Arabs: in Search of a New Modus Vivendi,” Russian International Affairs Council, 08 April 2016, http://russiancouncil.ru/en/inner/?id_4=7539
[1]CHABAS Charlotte «Vladimir annonce le début du retrait des troupes russes en syrie», www.lemonde.fr , février 2016
[2]PASQUESOONE Valentine, « Transferts d’armes en Syrie : les exportations russes inquiètent », www.lemonde.fr , février 2016
[3]Info Chrétienne, « Syrie, un mois après les premières frappes russes, les chrétiens sont soulagés », www.infochretienne.com, octobre 2015
[4] BURGAT, François. « La crise syrienne au prisme de la variable religieuse (2011-2014 ») dans Actes du colloque,Les transitions arabes, 2014, repéré à https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01081791/document.
[5]PICHON, Frédéric. « La Syrie, quel enjeu pour la Russie ?. », dans Politique étrangère, 2013,volume 1, printemps, p. 107-11.8
[6]BERCHE, Hélène. « Comment le positionnement stratégique de Moscou dans le conflit syrien révèle les ressorts de la diplomatie russe » dans perspective internationale, 2013, 25 pages.
[7]NOCETTI Julien, « Russie: quelle lecture de la crise syrienne? » , Diplomate , https://www.ifri.org , 2012
[8] Lejeune Pierre-Marie, « La Syrie vue de Moscou : comment comprendre le Kremlin ?. », Stratégique 2/2013 (N° 103) , p. 261-270
[9]BARTHE Benjamin et MANDRAUD Isabelle, « La Russie a installé une deuxième base militaire en Syrie », www.lemonde.fr , Décembre 2015
[10]PICHON,Frédéric
[11]BURGAT François
[12]“Post-Syrian Russia and Middle East,” Russian International Affairs Council, 29 March 2016, http://russiancouncil.ru/en/inner/?id_4=7468
[13]ROBINS-EARLY Nick, «Putin’s Withdrawal From Syria Shows His Real Objective Wasn’t Fighting ISIS»,Russian International Affair Council, 15 mars 2016 http://www.huffingtonpost.com/entry/russia-syria-withdrawal-putin_us_56e6faa1e4b0b25c9182b51d#comments
[14]KORTUNOV Andrey, “Russians and Arabs: in Search of a New Modus Vivendi,” Russian International Affairs Council, 08 April 2016, http://russiancouncil.ru/en/inner/?id_4=7539