En rafale

Le droit spatial en quelques mots

Le lancement de Sputnik I en 1957 par l’Union soviétique, premier satellite à entrer en orbite autour de la Terre, est un moment clé dans l’histoire humaine. Non seulement marque-t-il le début d’une série de développements technologiques significatifs, mais il amorce aussi la conquête de l’espace. Les activités spatiales deviennent rapidement un outil pour faire rayonner les États, pour consolider leur sécurité, pour stimuler d’importantes avancées technologiques et même pour cultiver la coopération internationale, avec, entre autres, la Station spatiale internationale.1Les États ont donc inévitablement un grand intérêt à découvrir et à exploiter l’espace. Si les premières utilisations de l’espace ont été à des fins d’observation et de surveillance (par exemple: mise en orbite de satellites, interception d’informations, espionnage), on a rapidement trouvé maintes utilités à être présent dans l’espace extra-atmosphérique2. L’utilisation de l’espace est un « multiplicateur de puissance » du point de vue militaire et économique. Plusieurs technologies spatiales comme la météorologie, l’imagerie et la télécommunication sont aussi grandement utilisées.3 L’intérêt pour les activités spatiales augmente donc constamment.

Durant la Guerre froide, les États-Unis et l’URSS partageaient l’équilibre stratégique de l’espace, bilatéralement. Aujourd’hui, d’autres États s’intéressent aux activités spatiales comme la Chine, l’Europe, l’Inde et le Japon. De plus, les entreprises privées voient de plus en plus d’intérêt à s’impliquer dans l’espace avec la possibilité de développer un marché fort lucratif.4. Or, dans cette situation où de nombreux États convoitent des territoires et des ressources, il est absolument nécessaire de réglementer leurs activités. Le droit international de l’espace a pris naissance au milieu du siècle dernier et certaines mesures ont été adoptées à cette fin. Toutefois, l’encadrement juridique des activités spatiales comporte des failles : plusieurs règles demeurent floues, faciles à contourner et s’adaptent difficilement à l’évolution rapide de la technologie.

Graduellement, le cadre juridique pour réglementer les activités des États dans l’espace s’est précisé. En 1958, en réaction à l’intérêt grandissant pour l’espace, l’ONU adopte une première résolution, au sujet de l’utilisation de l’espace à des fins pacifiques. Les relations entre États sont déterminées par le droit international, lui-même basé sur l’existence d’un consensus entre les États participants aux accords.5 Elle crée aussi le CUPEEA, le Comité pour les utilisations pacifiques de l’espace extra-atmosphérique.6C’est avec les résolutions de ce comité que le droit international de l’espace actuel a été fondé au début des années 1960.7 Ces premières résolutions, quoique non contraignantes pour les États, fondent tout de même le droit international. Les principaux principes du droit spatial y sont énoncés.8 Ces cinq traités sont les suivants:

  1. Traité de 1967 sur les principes régissant les activités des États en matière d’exploration et d’utilisation de l’espace extra-atmosphérique, y compris la Lune et les autres corps célestes de 1967 (le Traité de l’espace) ;

  1. Accord sur le sauvetage des astronautes, le retour des astronautes et la restitution des objets lancés dans l’espace extra-atmosphérique, entré en vigueur en 1968 ;

  1. Convention sur la responsabilité internationale pour les dommages causés par des objets spatiaux, entrée en vigueur en 1972 ;

  1. Convention sur l’immatriculation des objets lancés dans l’espace extra-atmosphérique, entrée en vigueur en 1976 ;

  1. Accord régissant les activités des États sur la Lune et les autres corps célestes, entré en vigueur en 1984.

Si le droit existe, nombre d’experts le remettent pourtant en question. Selon certains, les règles internationales régissant l’espace sont minimales et c’est pour cette raison qu’elles sont relativement bien acceptées.9 Auparavant, l’URSS et les Etats-Unis n’ont pas demandé d’autorisation pour projeter leurs engins spatiaux et aucun autre État n’a protesté. Ceux-ci ont donc offert un consentement implicite. Cette situation ambiguë a été interprétée de deux façons : soit la liberté de l’utilisation de l’espace était en vigueur, donc tous les États avaient un accès à l’espace, soit c’était une situation temporaire.10 Avec le temps, plusieurs traités ont été rédigés mais ceux-ci sont rarement respectés.

Actuellement, aucun traité ne précise l’étendue de la liberté des États de militariser l’espace (armes nucléaires et de destruction massive).11 Le principe d’utilisation de l’espace à des fins pacifiques est trop vague et se prête à de trop nombreuses interprétations divergentes pour fournir un encadrement efficace et suffisant. Avec l’entrée dans l’espace d’un nombre croissant d’États et de corporations privées pour y implanter des installations militaires, le besoin d’un meilleur encadrement, plus étoffé, risque de s’imposer au sein de la communauté internationale.

Par Andréanne Lacoursière et Laurence Fafard,
Étudiantes en sciences humaines au collège Jean-de-Brébeuf

Pour lire la note de recherche étudiante complète: http://monde68.brebeuf.qc.ca/notes-de-recherche/

Bibliographie sélective

ACHILLEAS, Philippe, « Le droit international de l’espace: une régulation minimale », Questions internationales, no.67, mai-juin 2014, p.32-41.

CHAUMONT, C., Le droit de l’espace, Paris, Presses universitaires de France, 1970.

FABRE, Hubert, L’usage de la force dans l’espace: réglementation et prévention d’une guerre en orbite, Bruxelles, Éditions Bruylant, 2012, (coll. « Organisation internationale et relations internationale »).

GLEESON, Patrick K., « Legal Aspects of the Use of Force in Space », Institute of Air and Space Law, McGill University, Montreal, 2005, consulté en ligne le 15 novembre 2016, http://www.collectionscanada.gc.ca/obj/thesescanada/vol2/QMM/TC-QMM-99137.pdf  .

SUR, Serge, « L’espace entre ciel et terre », Questions internationales, no.67, mai-juin 2014, p.4-9

1Patrick K. Gleeson, « Legal Aspects of the Use of Force in Space », Institute of Air and Space Law, McGill University, Montréal, 2005, p.8, consultéenligne le 15 novembre 2016, http://www.collectionscanada.gc.ca/obj/thesescanada/vol2/QMM/TC-QMM-99137.pdf  

2Hubert Fabre, L’usage de la force dans l’espace: réglementation et prévention d’une guerre en orbite, Bruxelles, Éditions Bruylant, 2012, (coll. « Organisation internationale et relations internationale », p.4

3eIbid, p.5

4Ibid, p.6

5Gleeson, p.24

6Philippe Achilleas, « Le droit international de l’espace: une régulation minimale », Questions internationales, no.67, mai-juin 2014, p.32

7Ibid, p.32

8Ibid, p.37

9 Serge Sur, « L’espace entre ciel et terre », Questions internationales, no.67, mai-juin 2014, p.4

10 Charles Chaumont, Le droit de l’espace, Paris, Presses universitaires de France, 1970, p.41 et p.39

11Fabre, p.8

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