En rafale

Gang de rue contre l’ordre social et approche de la Mano Dura en Amérique centrale

En décembre 2014 au Honduras un autobus voyageur fut stoppé avant sa destination par quelques hommes armés du gang connu sous le nom de Mara Salvatrucha (ou MS-13). Les assaillants encerclèrent l’autobus et déchargèrent leurs fusils AK-47 sur ses passagers, tous civils.  Le rapport indiqua 28 morts. Le MS-13, comme d’autres gangs de rue d’Amérique centrale, ne cible pas ses victimes sur une base identitaire ou particulière.  Peu leur importe l’identité de ces gens, ce qui compte, c’est le message envoyé. Ici, lors de l’attentat de 2014, le MS-13 agissait en représailles face à la politique répressive à l’égard des gangs de rue  du gouvernement  hondurien. De plus, avec ce massacre, le MS-13 voulut propager un sentiment de peur dans la population pour qu’aucun n’interfère avec ses activités criminelles ou n’appuie les programmes gouvernementaux antigangs. (Arana, 2005)

Qui sont les MS-13?

La Mara Salvatrucha est l’un des gangs de rue les plus dangereux dans l’hémisphère occidental. Ce groupe a vu le jour à Los Angeles dans les années 1980. Il avait comme but de protéger les immigrants salvadoriens des gangs de rue mexicains et afro-américains. On compte environ 70 000 membres de ce gang aujourd’hui, dont la très grande majorité sont des Salvadoriens (Logan, 2009). Ils sont reconnus pour leurs nombreux tatouages couvrant leur corps au grand complet, notamment leur visage. Depuis leur création, ils ont été impliqués dans plusieurs crimes: trafic de drogues, trafic d’armes, homicides, prostitution, immigration illégale, kidnappings et bien plus encore. De nos jours, on les retrouve principalement au Salvador, au Guatemala et au Honduras, où ils détiennent un pouvoir énorme sur la population.

Politiques mises en place par les gouvernements locaux

Puisque les gangs de rue en Amérique centrale, comme le MS-13, sont assez puissants et déterminés pour tuer des civils innocents, il existe un sentiment d’urgence auprès des gouvernements concernés. C’est spécialement au Honduras,  au Salvador et au Guatemala que le problème de gangs est le plus important. Ces trois pays ont essayé d’instaurer plusieurs politiques différentes pour éliminer le problème des gangs de rue. La première fois fut en 2003 avec la Mano Dura. Cette réforme mettait en place une politique visant à incarcérer toute personne de 12 ans ou plus ayant un lien avec n’importe quel gang de rue. Cependant, la Cour Suprême du Salvador a déclaré que la politique de la Mano Dura était anticonstitutionnelle (Hume, 2007). Comme cette politique fut défaite par la Cour Suprême, le gouvernement a adopté une nouvelle politique appelée la Mano Super Dura. Cette nouvelle politique prolongeait le temps de condamnation des fautifs. Le Honduras a par la suite adopté une politique très similaire: la Cero Tolerencia. De son côté, le Guatemala a instauré une politique similaire en 2004 : la Plan Escoba. Les jeunes étaient dorénavant considérés comme des adultes, ce qui veut dire que les jeunes membres des gangs pouvaient dorénavant faire face à des condamnations plus longues. De plus, le gouvernement guatémaltèque a déployé plus de 4000 soldats dans des quartiers dangereux de la capitale afin d’assurer la paix au sein du pays. Les nouvelles politiques antigangs de rue ont à peine modifié la situation en Amérique centrale. Les gangs de rue sont devenus plus violents et ont inventé de nouvelles tactiques afin d’éviter d’être capturés. Entre autres, les gangs ont diminué la visibilité de leurs symboles. Afin de répondre à ce changement de comportement, les gouvernements locaux se sont aussi adaptés. Les politiques des pays d’Amérique centrale comme la Mano Dura font partie des options possibles pour rendre la région plus sécuritaire. Cependant, deux autres types d’interventions se sont ajoutés, soit la Mano Amiga et la Mano Extendida. Ces interventions se concentrent principalement sur les conséquences, sur les causes ainsi que sur les risques de la violence associée avec les gangs.

Aide extérieure nécessaire

Le processus d’éradication des gangs de rue est complexe et il n’existe aucune solution miracle. En plus des politiques mises en place nommées plus haut, le problème de gangs de rue d’Amérique centrale requiert une intervention extérieure pour être réglé une fois pour toutes.

Les gangs de rue sont impliqués dans plusieurs organisations criminelles, dont le trafic de drogue. La rareté de la drogue fait augmenter sa valeur sur le marché noir. De ce fait, puisque c’est un produit coûteux, la demande vient majoritairement des États-Unis. Puisque c’est la demande de narcotiques qui stimule son offre, il serait légitime que les États-Unis prennent action dans ce conflit.

Il y a eu auparavant plusieurs tentatives d’intervention antigangs et antidrogue de la part du géant mondial américain. Depuis le deuxième mandat de Bush, les USA ont alloué une somme de 38 milliards dans le combat contre les gangs de rue en Amérique centrale. Le FBI a même créé le MS-13 Task Force, une réforme ayant comme but d’améliorer le partage de l’information à propos de ce groupe criminel entre les États-Unis et l’Amérique centrale (Rouquié, 1992). L’investissement américain a comme but de créer des quartiers plus sécuritaires, perturber les liens des gangs de rue entre les trois pays, aider les gouvernements à devenir plus puissants et plus solides, établir des corps policiers plus autoritaires au sein des pays et de faire en sorte que les pays s’aident mutuellement. Malheureusement, l’aide des États-Unis ne suffit pas pour combattre les gangs de rue d’Amérique centrale. Alors que certains programmes vont pour le mieux, d’autres se dirigent vers l’ échec.

Or, un mouvement assez important démontre que la plupart des populations serait plus réceptive et encline à respecter des politiques mises en place par leur propre gouvernement ou une organisation internationale, plutôt que celles venant de gouvernements étrangers. Il serait donc intéressant que l’Amérique centrale reçoive l’appui d’organisations internationales en plus de celui des États-Unis dans sa lutte contre les gangs de rue.

Par Dimitri Pilarinos et Anne St-Onge
Étudiants en sciences humaines au Collège Jean-de-Brébeuf

 

Bibliographie

  • Arana, A. Gangs in central America. ForeignAffairs, Vol. 84, No. 3 (May – Jun., 2005), pp. 98-110
  • Hume, Mo. 2007. ‘Mano Dura: El Salvador responds to gangs’, Development in Practice 17(6): 739-751.
  • Rouquier, A. (1992). Les forces politiques en Amérique centrale. Paris : Édition Karthala
  • This Is For The Mara Salvatrucha by Samuel Logan, consulté le 1er décembre 2016: http://www.thisisforthemarasalvatrucha.com/ms-13.html

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