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Quels sont les enjeux quant à la situation de l’eau potable en Afrique?

L’eau est une ressource naturelle vitale, rare et précieuse. L’Organisation des Nations Unies (ONU) est consciente de l’importance et de l’urgence d’agir, au niveau mondial, pour préserver l’eau douce. En 1992, à la suite du Sommet de la Terre, l’ONU institue le 22 mars comme « Journée mondiale de l’eau ». Depuis 2010, l’accès à l’eau est proclamé dans une résolution de l’Assemblée générale de l’ONU comme étant un « droit fondamental, essentiel au plein exercice du droit à la vie et de tous les droits de l’Homme ». La crise mondiale de l’eau prend une dimension d’autant plus particulière dans le contexte de l’Afrique. Entre 2010 et 2040, la population africaine devrait augmenter de 50%, avec un pourcentage de citadins qui passerait de 44 % à 57 %, selon l’Association africaine de l’eau (AAE). Trois enjeux reflètent en partie la situation de l’eau potable en Afrique.

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L’Afrique ne manque pas d’eau. Le continent dispose d’importantes ressources en eau. Il lui manque en revanche les infrastructures de distribution et d’assainissement qui permettent aux populations d’accéder à l’eau potable (Courrier international, 2012). Les services d’eau potable sont peu développés et peu performants, et l’assainissement est quasi inexistant en Afrique, entraînant une morbidité et une mortalité importantes (Roche, 2003). Le niveau souterrain du continent africain recèle plus de 600 000 km3 de réserves d’eau. Cette ressource est cent fois supérieure à la quantité d’eau en surface. Pourtant, 330 millions d’Africains n’ont pas accès à l’eau potable. En effet, certaines nappes sont enfouies en profondeur, rendant délicat et coûteux tout projet de forage.

Selon la Banque africaine de développement (BAD), il faudrait que l’Afrique consacre 11,5 milliards d’euros par année pour créer ou renforcer des infrastructures de distribution et d’assainissement et fournir l’eau potable à l’ensemble de sa population. D’une part, la crise économique et les politiques d’austérité prônées par la Banque mondiale et le FMI ont obligé les gouvernements africains à réduire les dépenses de services publics, y compris pour l’eau. D’autre part, les investisseurs privés n’ont pas trouvé le secteur de l’eau en Afrique assez attirant financièrement : les bénéfices étaient insuffisants pour justifier leurs investissements. Par conséquent, l’Afrique a souffert des décennies durant, de sous-investissement dans ses équipements d’adduction d’eau (Dovi, 2007).

Outre les coûts élevés, le fait que ces technologies ont été développées sans référence aux besoins spécifiques des Africains constitue un défi. Dans le cadre des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD), en 2000, les États du monde entier ont pris part à l’engagement de réduire de 50% le nombre de personnes n’ayant pas accès à l’eau potable. Selon le secrétaire général de l’AAE, sur le continent africain, « seuls l’Afrique du Sud et peut-être le Sénégal atteindront ces objectifs. » Pour les atteindre, « il est nécessaire d’accroître les investissements », juge le directeur du département eau et assainissement à la BAD (Pauron, 2012). À titre d’exemple, l’Agence Intergouvernementale Panafricaine, Eau et Assainissement pour l’Afrique (EAA), développe depuis 1988 des approches et des technologies innovantes dans le secteur de l’eau, l’assainissement et l’hygiène. En septembre 2011, EAA a mis sur pied un projet ayant comme objectif de contribuer à l’atteinte des OMD par l’adaptation des systèmes technologiques intégrés d’approvisionnement en eau et d’assainissement écologique à faible coût. Le projet constituait entre autres d’une évaluation des systèmes existants dans le but d’améliorer leur fonctionnement puis leur entretien, et de réduire les risques associés à l’utilisation des sous-produits (EAA, 2014).

De surcroît, vu la « rareté » de cette ressource, il existe un risque d’éclatement d’une « guerre de l’eau ». Le plus long fleuve du monde reçoit l’essentiel de son alimentation du Nil Bleu, qui dévale des hautes terres éthiopiennes où tombent d’abondantes précipitations. Sa configuration géographique a largement contribué à l’existence prospère égyptienne. Les énormes masses d’eau qui traversent le désert avant de rejoindre la Méditerranée sont au cœur de la vie égyptienne. Si l’on réduisait cette alimentation, les conséquences seraient inimaginables. Ce sont onze pays qui « tiennent entre leurs mains » la sécurité de l’Égypte, alors que celle-ci n’est formellement protégée que par l’accord signé avec le Soudan en 1959. Il était donc urgent que soit créée, en 1999, une « vision commune » à l’aide de  l’Initiative du Bassin du Nil (IBN). En 2011, le Sud-Soudan constituera le douzième État concerné par le bassin versant du Nil, et il ne sera pas le moins actif. L’Égypte a terriblement besoin de l’eau du Nil. Pour cette raison, elle a toujours été pointilleuse dans les négociations, mais aussi toujours prête à imposer sa puissance militaire pour défendre ses droits historiques.

Enfin, la disparité importante entre les sociétés, autant au niveau international que régional, creuse un fossé social, économique, technologique et environnemental entre celles-ci. De fortes inégalités subsistent entre les principales métropoles dans l’approvisionnement en eau des habitants. Alors que Le Caire a un taux d’approvisionnement de 95 %, Lagos, capitale économique du Nigeria, fournit l’eau à moins de 65 % de ses citoyens. La disparité concernant la disponibilité de l’eau dans le monde est aussi flagrante : la consommation d’un Européen en eau est de 150 litres/jour tandis que dans les pays en développement, elle n’est que de 10 litres/jour. Le continent africain est la victime première du manque d’eau douce, une situation critique due notamment à la désertification des terres, à la sécheresse qui frappe les régions, et à la pollution dont souffrent la plupart des pays du sud (Said, 2014). Il est à mentionner que dans un tel contexte de pauvreté, les conditions sanitaires sont particulièrement dégradées, en milieu urbain comme en milieu rural. Depuis les années 70, on a constaté une reprise inquiétante des maladies endémiques, notamment celles liées à l’eau comme la malaria (Roche, 2003). Il faudrait recourir à des systèmes d’irrigation plus économes pour l’agriculture, et inciter les acteurs économiques privés à lutter contre la pollution des eaux douces par les déchets industriels causant des maladies qui touchent principalement les populations les plus fragiles.

Par Di Hu
Étudiante au Collège Jean-de-Brébeuf

 

Bibliographie

  • Bouquet, C. (2011). Conflits et risques de conflits liés à l’eau en Afrique. Les Cahiers d’Outre-Mer, 3(255), 341-362. DOI : 10.4000/com.6283
  • Roche, P.-A. (2003). L’eau, enjeu vital pour l’Afrique. Afrique contemporaine, 1(205), 39-75. DOI : 10.3917/afco.205.0039

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