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Les crises grecques (2) : second plan d’aide et bilan

Le deuxième plan d’aide

Le 26 et 27 octobre 2011, à Bruxelles, les chefs d’États des pays membres de la zone Euro finalisent un deuxième plan d’aide. L’accord prévoit l’octroi d’un tout nouveau prêt de 130 milliards d’euros, dont 30 milliards consacrés au soutien des banques grecques, à un taux d’intérêt réduit à 3.5%. À ces 130 milliards de prêt s’ajouterait, grâce à la pression de l’Allemagne, un abandon partiel de 107 milliards de dettes détenues par des créanciers privés, représentatif de 50% la dette privée.

Toutefois, la population accuse le Premier ministre Georges Papandréou de brader la souveraineté du pays en échange de ce nouveau plan d’aide. Selon les grecs, l’une des conditions à l’octroi du prêt, la création d’une « task force » européenne au sein même du pouvoir grec, est inacceptable. Cette « task force », établie pour procurer une expertise administrative et technique a la Grèce, évaluerait les priorités du pays et permettrait l’implantation d’un programme de restructuration qui inviterait de nombreux experts français, néerlandais et allemands à réformer les services publics et fiscaux grecs.

Constatant l’impopularité grandissante de son parti dans les sondages, Georges Papandréou décide le 31 octobre d’organiser un référendum. Condamné publiquement par les hauts dirigeants européens, ce référendum devait apporter la réponse du peuple grec sur les conditions de la Troïka pour ce nouveau plan d’aide. Devant l’énorme pression européenne, G. Papandréou est contraint d’annuler le référendum et démissionne le 9 novembre 2011.

Le lendemain, Lokas Papadimos lui succède en tant que premier ministre, et dirige le nouveau gouvernement d’unité nationale, principalement composé de ministres du Pasok mais aussi de ND et de LAOS. Début 2012, plusieurs complications entre le gouvernement et la Troïka viennent freiner les procédures finales. En février, l’UE et le FMI demandent des engagements officiels du gouvernement et des partis de coalitions. Ces engagements écrits sont donnés le 12 février, lorsqu’un un accord est conclu entre la BCE et le gouvernement, qui vote un deuxième plan d’austérité. En mars, les créanciers privés tiennent leurs promesses en acceptant une décote de 53.5% sur les titres qu’ils détiennent, représentant 70% de perte sur leurs investissements initiaux. En dépit de ces concessions, la population manifeste à Athènes et à Thessalonique, et montre sa colère au gouvernement.

 

L’émergence de la gauche radicale

Des élections anticipées sont organisées sept mois plus tard, en mai puis en juin 2012, durant lesquelles les électeurs Grecs punissent les deux principaux partis du pays. En effet, les partis avec le plus de progression électorale sont ceux promettant un retour au bien-être politique. Alexis Tsipras, à la tête du parti de coalition de la gauche radicale (SYRIZA), quadruple quasiment son score en obtenant 52 sièges avec 16,78% des voix. Tsipras condamne l’austérité comme un « suicide » et appelle à de nouvelles négociations avec la Troïka. Malgré un score historiquement bas de 18,85%, c’est le parti Nouvelle Démocratie d’Antonis Samaras qui remporte les élections, et forme directement un gouvernement de coalition avec le Pasok et la gauche démocratique.

À la fin de l’année 2012, un troisième plan d’austérité est mis en place pour permettre le dégel de 35 milliards d’euros, l’application des deux autres s’étant avérée défaillante. Ce nouveau plan prévoit des coupes budgétaires de plus de 13 milliards d’euros, notamment dans les salaires et retraites. Le FMI impose comme objectif du plan une réduction de la dette à 124% en 2020, 110% en 2022 et 88% en 2030, soit 4% moins exigeant que le dernier plan.

Devant le risque accru de faillite et de sortie de l’euro, la rigidité européenne pousse le gouvernement grec à appliquer l’austérité de manière intransigeante. Toutefois, cette intransigeance ne porte pas ses fruits, bien au contraire. En 2013, la Grèce entame sa sixième année consécutive de récession, un record mondial. En mai 2013, le chômage atteint 27.5% pour la population active et plus de 65% chez les jeunes. Les politiques de taxation fonctionnent à l’envers : plus le niveau d’imposition augmente, plus les recettes de l’État diminuent. La fraude fiscale devient pour les Grecques un mode de survie financier.

Un an après être monté au pouvoir, le gouvernement Samaras est au bord du gouffre. Le 11 juin 2013, après la crise politique qui a suivi la décision très controversée de fermer la chaine de télé publique grecque ERT, la coalition gouvernementale se voit réduite à 153 députés sur 300 suite à la sortie du parti de gauche DIMAR. Elle perd finalement sa majorité lors des élections législatives de janvier 2015.

Lors de ce scrutin, la formation SYRIZA, dirigée par Alexis Tsipras, remporte 36,3 % des suffrages et place 149 députés sur 300. Première force politique grecque, SYRIZA rate de deux sièges la majorité absolue au Parlement. Alexis Tsípras réussit néanmoins à former une coalition avec le parti de droite souverainiste des Grecs indépendants (AN.EL.) et devient, le 25 janvier 2015, le plus jeune premier ministre en plus d’un siècle. Suite à cette victoire historique, et devant des milliers de citoyens grecs, le nouveau premier ministre se félicite : « Le peuple grec a écrit l’histoire, (…) (son) verdict signifie la fin de la Troïka »

 

Bilan

Très rapidement, l’euphorie des grecs se bute aux exigences européennes. Malgré les tensions entre le nouveau ministre des finances grecques Varoufakis et la Troïka, un accord est signé début février pour prolonger l’aide jusqu’au 30 juin. Le 20 du même mois, la Grèce s’engage à proposer plusieurs mesures afin d’obtenir la dernière tranche du deuxième plan d’aide. Les choses se compliquent à partir de juin. Malgré plusieurs réformes constructives d’Alexis Tsipras, l’Europe refuse tout ce que la Grèce avance, et vice versa. Lassée, la Troïka soumet une liste de mesures d’austérité à la Grèce. La réponse d’Alexis Tsipras rappelle celle de Georges Papandréou, qui avait mis l’Europe en furie : le peuple choisira lors d’un référendum. Suite à cette provocation, à l’insolence du ministre Varoufakis et à un défaut de paiement de 1,5 milliards au FMI, la menace d’un Grexit est amenée sur table. La situation intérieure se complexifie, les banques ferment et le pays fait face à une fuite de capitaux. Suite à l’attente, les Grecs rejettent par référendum (61,31% de non) les mesures proposées par la Troïka.

Toutefois, Alexis Tsipras ne semble pas suivre la réponse de son peuple. Le premier ministre finit par signer, le 13 juillet, l’accord avec ses créanciers pour le troisième plan d’aide, en acceptant plusieurs mesures que les Grecs avaient rejetées lors du référendum. Cet accord, même s’il permet l’octroi d’une nouvelle aide de 86 milliards d’euros, crée divisions et opposition au sein même du parti Syriza, où beaucoup accusent leur leader d’avoir trahi la Grèce. Le 14 aout, le parlement grec approuve le troisième plan d’aide, malgré l’opposition de quarante députés Syriza, qui réduit la majorité du premier ministre à 119 membres sur 300. Pour ces députés, en majorité radicaux, Alexis Tsipras s’est « couché » devant l’Europe en acceptant les mesures des créanciers.

Pour faire face à cette nouvelle épreuve, le premier ministre s’en remet encore une fois au peuple. En annonçant la tenue d’élections législatives anticipées, le premier ministre affirme : je veux « soumettre au peuple grec tout ce que j’ai fait, afin qu’il décide de nouveau ». Comme lors du dernier référendum, Alexis Tsipras joue la carte du peuple en lui donnant le contrôle sur la situation. Les élections, qui se sont tenues le 20 septembre dernier semblent avoir donné raison à Tsipras.

 

Par Ivan Faure

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