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Pourquoi Israël participe au conflit syrien ?

Suite aux mouvements de contestation au Moyen-Orient à la fin de 2010, le « printemps arabe » est une protestation contre la dictature, la corruption des gouvernements autoritaires, la pauvreté et le chômage. En 2011, la Syrie se révolte contre le président Bachar al-Assad : la guerre civile éclate suite aux représailles brutales du gouvernement envers les citoyens. Depuis, la Syrie est un territoire où s’affrontent plusieurs groupes et États par procuration, incluant Israël. En 2013, Israël envoie de l’aide humanitaire, médicale et militaire en Syrie, et sa participation dans le conflit ne fait qu’escalader. Qu’est-ce qui motive la participation d’Israël dans le conflit ?

Premièrement, le régime syrien est un allié très important pour l’Iran, le territoire syrien permet le transport de fonds et d’armement de l’Iran jusqu’au Hezbollah au Liban, puis la Syrie représente un symbole de résistance contre Israël. Le Hezbollah est un groupe militaire et politique qui a émergé lors de l’invasion du Liban par Israël en 1982, formé de musulmans chiites, allié à l’Iran et qui mène des opérations contre Israël. Afin (entre autres) de mettre de la pression sur l’État juif, l’Iran poursuit ses opérations sur le territoire syrien. Par contre, Israël est incapable de contraindre Téhéran. Les seuls moyens que possède Israël afin de limiter la liberté d’opération de l’Iran en Syrie sont d’attaquer les convois qui font le transfert d’armes et d’argent au Hezbollah et d’augmenter sa présence militaire sur le Plateau du Golan.   

Deuxièmement, toujours dans le but de diminuer l’influence, la liberté d’opération et la présence militaire de l’Iran et du Hezbollah en Syrie, Israël veut s’assurer que le régime syrien soit faible pour qu’il ne puisse pas menacer sa sécurité. Inévitablement, le simple fait que Bachar al-Assad soit le président de la Syrie ne fait qu’accroître la menace iranienne envers Israël. C’est pourquoi Israël attaque des points stratégiques syriens et iraniens.

Il est important de souligner que l’État d’Israël ne veut pas encourager la chute du régime syrien, ni sa montée en puissance : il veut tout simplement qu’il soit faible. Si le régime syrien s’effondre, il y aura une situation quasi anarchique en Syrie qui permettrait aux groupes extrémistes de prendre de l’ampleur, de mettre la main sur les restants d’armes chimiques et d’arsenal du régime syrien et de pouvoir mener des attentats en Israël. De plus, une chute du régime syrien signifie qu’il y aura un nouveau régime qui se mettra en place : il y a des chances que le nouveau régime ait une idéologie islamiste et qui appuie la Palestine, ou alors que le régime soit démocratique et que la frontière israélo-syrienne soit de nouveau un point de tension.

Troisièmement, le soutien de la Russie, alliée depuis 1950 à la Syrie, pour le régime syrien ne fait qu’allonger la guerre, ce qui permet aux Gardiens de la révolution islamique (GRI) et au Hezbollah de gagner plus de territoire, de consolider leur influence et leur pouvoir, d’augmenter le trafic d’armes et d’argent puis d’agrandir leur front de résistance contre Israël. La sécurité nationale et les positions stratégiques d’Israël seraient mises en péril. Lors du déclenchement de la guerre civile en Syrie, la Russie a tout de même soutenu le gouvernement de Bachar al-Assad étant donné que c’est son seul appui géostratégique au Moyen-Orient.

Quatrièmement, Israël est perçu par les autres pays du Moyen-Orient comme une extension du pouvoir de l’Occident, et non comme un État souverain. C’est donc ce manque de reconnaissance de la part des autres pays avoisinants l’État d’Israël qui le force à intervenir dans des conflits au Moyen-Orient et Proche-Orient, à conquérir et occuper des territoires. Ils peuvent donc s’imposer comme force militaire dans cette région, démontrer qu’ils ne sont pas vulnérables : ils menacent l’Iran, bombardent des installations nucléaires iraniennes et syriennes. D’ailleurs, les États-Unis soutiennent militairement, politiquement et financièrement l’État d’Israël étant donné sa situation géopolitique et stratégique unique : les États-Unis peuvent exercer leur influence et leur domination militaire et idéologique au Moyen-Orient par l’entremise d’Israël, profitant de la nécessité de reconnaissance de cet État.

Pour résumer, Israël veut prévenir les transferts d’armes à partir de l’Iran vers le Hezbollah, limiter la participation de l’Iran dans le conflit, minimiser l’influence politique et militaire russe en Syrie et affaiblir le régime syrien sans le renverser. Sans oublier qu’Israël est en quête pour de la reconnaissance et de la légitimité au Moyen-Orient en exerçant une forme d’imposition militaire pour démontrer sa dominance par procuration des États-Unis dans la région. Israël veut un retour au statuquo, à l’époque avant la guerre syrienne où le président Bachar al-Assad garantissait la sécurité et stabilisait les tensions sur le Plateau du Golan, mais aussi à la frontière avec Israël, où le régime était assez puissant pour ne pas dépendre de l’appui iranien et où il pouvait contrôler son territoire, ainsi diminuant la présence du Hezbollah sur le territoire syrien.

Par Gabrielle Dutremble et Vanessa Proteau-Machuca
Étudiantes en sciences humaines au Collège Jean-de-Brébeuf

BIBLIOGRAPHIE

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